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Suite du Presse book Juillet/2009 : L’artiste aguerri sur la scène de la lettre" Par Maasoum Mohamed Khalaf* - Traduction arabe : Touria Ikbal **


La civilisation islamique a une place particulièrement étincelante dans l’histoire de l’art, la preuve en est tout le patrimoine architectural représenté par les mosquées, les palais et les trésors artistiques qu’ils contiennent, que ce soient des sculptures gravées sur les murs, des ornements sur les frises, des chefs-d’œuvre splendides de beauté. Cette création arabo musulmane a frayé le chemin à la civilisation européenne moderne et a comblé un vide hantant des âmes humaines dans plusieurs aspects de la vie.
L’art est une institution sociale qui accompagne l’être et la société par le biais de la religion, la morale et l’économie. C’est aussi une branche de la culture qui a une marge d’influence plus grande que les autres inventions car l’art est une langue qui s’adresse autant aux sentiments et qu’aux esprits.

Le milieu artistique avec ses us et coutumes, ses traditions et sa culture, est le vrai guide de l’activité de l’artiste car il puise dans son environnement les éléments et les outils de son art, lequel est l’expression de la réalité où vit l’individu avec ses infimes détails ; car l’œuvre artistique est le reflet de la vie économique et sociale et le pilier essentiel de toute civilisation. D’ailleurs, plus l’esprit humain évolue et s’ouvre davantage, plus la production artistique fleurit et se diversifie. L’art est un langage universel qui dialogue et dépasse les frontières et ne reconnaît aucune disparité quelle qu’elle soit. C’est pourquoi les expositions artistiques sillonnent les pays, en véritables ambassadeurs, tendant la main de l’amour et de la paix pour une plus grande entente et des liens plus solides entre les peuples. La fonction de l’art réside justement dans l’utilisation par l’artiste de ces atouts et ces outils avec une expérience consciente qui s’approprie son propre courant mais qui lui ajoute des habiletés et un savoir faire spécifiques.

La calligraphie arabe a pu constituer un versant très important des arts plastiques dans les pays arabo musulmans. Avec ses styles variés et ses modes diversifiés, la calligraphie occupe le devant de la scène des arts islamiques qui reposent sur l’invention, la création et la perfection. Ses expressions consignées sont le théâtre de la création picturale réinventée au gré de la vivacité du mouvement. Ses lettres pleines d’harmonie, de complicité, de souplesse et de sveltesse sont susceptibles de s’allonger ou se rétrécir, de se redresser ou s’arrondir, de s’enlacer ou s’entremêler, de s’unir ou se désunir. Toutes

Toutes ces caractéristiques artistiques singulières ont fait de la calligraphie un art subtil considéré comme inimitable par certains artistes occidentaux comme Pablo Picasso qui disait : « Le point culminant que j’ai atteint en art du dessin, la calligraphie m’y a précédé depuis longtemps ». La calligraphie arabe a requis une place considérable avec l’avènement de l’islam depuis que les versets coraniques, les propos prophétiques et le patrimoine littéraire et scientifique arabe ont été consignés à travers différentes époques.
Lorsque les versets coraniques et les sagesses populaires ont été utilisés pour décorer les mosquées, les palais et d’autres monuments architecturaux, les artistes arabes et musulmans n’ont eu de cesse d’améliorer et de perfectionner la calligraphie en parant les lettres de la plus belle parure.

L’artiste calligraphe Mohamed Amzil a une imagination fertile et une expérience unique lui permettant de manier les mouvements des différentes lettres pour parer cet art d’une singulière et très belle apparence issue des règles classiques de la calligraphie. L’utilisation des couleurs avec infiniment d’harmonie et de savoir faire confère à la toile une luminosité sans pareille d’autant plus que l’expérience artistique au niveau des lettres permet aux masses écrites de fusionner dans l’univers de l’œuvre qui devient chef-d’œuvre. Un regard attentif et averti aux œuvres de l’artiste calligraphe Mohamed Amzil nous met au cœur de la création resplendissante qui interpelle le dialogue et la complicité pour accéder au sens global du tableau.

PMaitrisant parfaitement la calligraphie classique, Mohamed Amzil a su la dépasser pour nous présenter un style moderne avec de nouvelles visions. C’est d’ailleurs lui qui a inventé la nouvelle parure de la calligraphie arabe influencée par l’environnement marocain caractérisé par le ruban saharien qui s’étend à un horizon lointain. Cette maitrise et ce talent incomparable lui ont conféré une place privilégiée dans la civilisation islamique grâce à son expression et ses symboles à travers des lettres ascendantes d’une grande beauté. L’artiste musulman voit en la calligraphie un moyen d’expression esthétique, mais aussi et surtout un chemin qui le rapproche de Dieu et une manifestation de sa piété. En utilisant la calligraphie comme forme d’expression, l’artiste renforce sa foi en Dieu via la langue du Coran.

MMohamed Amzil associe le vieux koufi et ses techniques ancrées dans le patrimoine pour conférer à la lettre une force de réalisation et une harmonie de la masse artistique, tel est le cas pour le tableau "و ما أرسلناك إلا رحمة للعالمين" , où il dispose les lettres dans une verticalité croissante, en assimilant le mot «إلا » à un globe terrestre garni d’ornements homogènes se dissimulant petit à petit pour atteindre le point central qui rayonne à l’infini. Les mots brillent de couleur et de splendeur. Par sa perspicacité, l’artiste a pu entreprendre une quête dans les abysses infinis des lettres en surprenant le public par ces univers envoutants, sans pour autant exhiber sa sensibilité aux mots et aux lettres.

L’univers des lettres et des couleurs a ouvert à l’artiste les portes de l’absolu, de ces magnifiques espaces pleins de signes et de symboliques le confortant davantage dans l’assimilation des affluents culturels et humains. L’Imam Al Ghazali disait : « l’esprit est un rayon de lumière qui vient de l’au-delà, je perçois la calligraphie et ses étendues comme un autre rayon de l’au-delà. L’artiste n’a d’autres moyens de capter cette étincelle esthétique cachée que par une ardeur spirituelle et une rude éducation initiatique quotidienne qui procure un état de béatitude.

Si les lettres constituent un espace d’inspiration pour l’artiste, celui-ci en fait un univers riche de sens et d’allusions. A sa manière, Il y assemble dessin et calligraphie et y renouvelle, de temps à autre, les moyens d’expression sur la base de techniques chromatiques et de composantes subjectives dans une tentative de suivre les réalisations de la forme tant au niveau de l’esthétique que du contenu.

La couleur acquiert son importance avant de faire son entrée dans le tableau calligraphique. Elle constitue l’une des composantes les plus fertiles et les plus interactives vu son lien dialectique inéluctable avec l’aspect constitutif de la forme. Sans couleur, il nous est impossible de comprendre réellement ce qu’est la forme. La relation esthétique entre la calligraphie et la peinture n’est pas fortuite ou étrangère aux critères modernes. C’est un lien intime prescrit par l’exigence de l’art. Oscar Wilde a dit : « la beauté est une forme de génie, elle est même au delà du génie car elle n’a pas besoin d’explication ».

Aussi, la présence artistique dans la toile reflète un état d’unité psychologique et conceptuelle. La couleur dépasse sa dimension formelle pour contenir une capacité d’expression extrême. Le pouvoir de la couleur représente une carte d’interprétation suprême capable d’assimiler tous les alphabets vivants lorsque celle-ci est utilisée pour donner au tableau calligraphique une dimension sémantique qui dépasse les frontières de la forme chromatique. Les sciences et les arts des lettres arabes ont constitué une source fertile pour la polysémie de langue et une mouvance abstraite et artistique représentée par une génération d’artistes qui ont découvert une nouvelle esthétique à la calligraphie à tel point qu’elle devenue la langue des arabes, la langue du monde civilisé avec tout ce qu’elle porte comme créativité, inimitabilité et lumière divine.

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* Maasoum Mohamed Khalaf
Ecrivain et calligraphe syrien, professeur de calligraphie et d’arts islamiques à l’institut des études islamiques et arabes à Haska.

Accéder à l'article en ligne sur le site splart.net (en arabe)

** Touria Ikbal
Poète, traductrice et chercheur en soufisme, auteur de plusieurs recueils et livres sur la poésie et la spiritualité, vit au Maroc à Marrakech.

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